Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau


les confessions est une autobiographie couvrant les cinquante-trois premières années de la vie de Rousseau, jusqu'à 1767.
Les 12 livres des Confessions se divisent en deux ensembles distincts, définis par Rousseau lui-même : la première partie constituée par les livres i à vi avec le Préambule, rédigée en 1765-1767, couvre les années 1712-1740 (années de formation, de la naissance à Genève à l'installation à Paris à 28 ans) alors que la deuxième partie, constituée par les livres vii à xii et rédigée en 1769-1770, couvre les années 1741-1765, c'est-à-dire sa vie à Paris dans les milieux de la musique et des philosophes, avec ses réussites (Discours - La Nouvelle Héloïse) et ses déboires comme les attaques qui suivent la publication de l'Émile, qui l'oblige à fuir en Suisse). L'œuvre aura une publication entièrement posthume : en 1782 pour la première partie et en 1789 pour la deuxième 1 ; Rousseau avait cependant déjà fait des lectures publiques de certains extraits.
Le titre des Confessions a sans doute été choisi en référence aux Confessions de Saint-Augustin, publiées au ive siècle. Rousseau accomplit ainsi un acte sans valeur religieuse à proprement parler, mais doté d’une forte connotation symbolique : celui de l’aveu des péchés, de la confession. Associant sincérité, humilité et plaidoyer pour lui-même, Rousseau cherche à brosser un portrait positif de lui-même et se présente essentiellement comme une victime de la vie2. L'œuvre des Confessions fonde néanmoins le genre moderne de l'autobiographie et constitue un texte marquant de la littérature française

Rousseau est alors l'un des tout premiers écrivains à écrire une autobiographie. Dans Les Confessions, un pacte autobiographique est présent :
« Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple, et dont l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme, ce sera moi.
Moi seul. Je sens mon cœur, et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j'ai vus; j'ose croire n'être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m'a jeté, c'est ce dont on ne peut juger qu'après m'avoir lu.
Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra, je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge. Je dirai hautement : « Voilà ce que j'ai fait, ce que j'ai pensé, ce que je fus. J'ai dit le bien et le mal avec la même franchise. Je n'ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon; et s'il m'est arrivé d'employer quelque ornement indifférent, ce n'a jamais été que pour remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire. J'ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l'être, jamais ce que je savais être faux. Je me suis montré tel que je fus : méprisable et vil quand je l'ai été; bon, généreux, sublime, quand je l'ai été : j'ai dévoilé mon intérieur tel que tu l'as vu toi-même. Être éternel, rassemble autour de moi l'innombrable foule de mes semblables; qu'ils écoutent mes confessions, qu'ils gémissent de mes indignités, qu'ils rougissent de mes misères. Que chacun d'eux découvre à son tour son cœur au pied de ton trône avec la même sincérité, et puis qu'un seul te dise, s'il l'ose : Je fus meilleur que cet homme-là. » »
Ainsi Rousseau affirme son désir de sincérité : il pourrait dire le bien comme il pourrait dire le mal, il se place sous le regard de Dieu, notamment par l'usage d'un titre en référence à celui utilisé par Saint Augustin. Il invoque la nature humaine, et revendique le droit de ne pas se souvenir, où le dernier argument est illustré par « quelques ornements indifférents ». Seulement, « quelques » est un mot extrêmement vague, « indifférent » n'a pas de prise réelle sur les choses et le mot « ornement » signifie qu'il va placer ses souvenirs sur le plan esthétique. Ainsi Rousseau va faire œuvre littéraire et non pas œuvre de confession : ses dites « confessions » ne le sont d'ailleurs pas, dans le sens où une confession est privée entre un membre de l’Église et un pécheur. Il n'éprouve ni remords, ni repentirs. Il est constamment dans la justification permanente. Dans une confession on attend un jugement de Dieu, alors qu'ici Rousseau se juge lui-même. Il n'y a pas de relations de subordinations : « je viendrais, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge ». Rousseau fait donc preuve d'une attitude extraordinaire d'orgueil. Tous les garants de la vérité qu'ils invoquent dans le texte ici-haut s'écroulent d'eux même. Rousseau ne peut s'empêcher de transformer la réalité : dans la formulation méprisable et vil quand je l'ai été, bon, généreux, sublime, quand je l'ai été nous avons l'impression d'un parallélisme parfait. Mais il y a, sans doute sans le vouloir, un trucage de la vérité : méprisable et vil sont deux adjectifs négatifs - où vile a un sens quasiment sociable : les vilains étaient les gens du peuple. Peut-on reprocher à Rousseau d'être du peuple ? - s'opposent aux trois adjectifs « bon, généreux, sublime » écrits en gradation. Le mot « sublime » étant très important à la fin du XVIIe : c'est celui qui est prêt à passer le seuil de l'au-delà, celui qui est en proie à une élévation extraordinaire. C'est donc dans cette simple formulation que l'on peut voir que Rousseau ne va pas être sincère, il sera même d'une parfaite mauvaise foi « je sens mon cœur, alors que je connais les hommes » : Rousseau se juge grâce à sa sensibilité et non par effort intellectuel.